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Le pilotage d’un avion Tailwheel.

par Ciel Québécois

6 mars 2013

Est-ce vraiment difficile de piloter un avion à roue de queue (tailwheel)? Photo: S. Schneider

Quand on remonte dans le passé, on s’aperçoit vite que les avions de l’époque étaient pratiquement tous à roue de queue. Ce n’est que durant la Deuxième Guerre mondiale que les avions ont troqué leur petite roue arrière pour la roue de nez. Ceci a commencé avec les avions de transport et les bombardiers. Il y a différentes raisons à ce changement. Au départ, les avions décollaient à partir des champs d’aviation. Il n’y avait pas de piste, les avions pouvaient donc décoller face au vent, peu importe d’où venait ce dernier, ce n’était pas un problème. Avec des avions de plus en plus gros ayant des performances de plus en plus grandes, ces avions, comme le Lancaster, ont besoin de plus de distances pour décoller, mais l’espace manque. Les pistes apparaissent et il faut se battre avec le vent de travers. Il ne faut pas oublier le confort. Dans un avion comme le Douglas DC3, remonter l’allée pour atteindre le premier siège ou embarquer des barils de fuel lors de vols cargo n’est pas une mince affaire.

On voit alors apparaître des avions avec un train d’atterrissage dit tricycle. L’embarquement pour les passagers et plus confortable, le chargement du cargo est plus facile ainsi que le contrôle par fort vent de travers. Dans les écoles aussi, le Piper J3 laisse sa place aux Piper Tri-Pacer et autres Cessna 150. Une époque est passée. De nos jours, piloter un avion à train classique est vu comme un défit, un art. Mais qu’en est-il vraiment, est-ce vraiment difficile de pilote un avion avec une roue de queue?

Photo: Jean-Pierre Bonin

Les effets qui affectent les avions dans les différentes phases de vol sont les mêmes que ce soit un avion à train d’atterrissage classique ou tricycle. Ils n’agissent tout simplement pas de la même manière ou avec la même force. C’est durant les phases de décollage et d’atterrissage que ces effets vont se faire ressentir. Nous allons essayer de comprendre ces phénomènes et de les comparer avec un avion à train d’atterrissage tricycle.

Tout d’abord, pour qu’un avion se maintienne sur ses roues au sol, la position du train d’atterrissage a son importance. Le centre de gravité de l’avion est toujours le même (du point de vue statique, lorsque l’avion est dans les airs par exemple). Il faut donc placer le train d’atterrissage principal en arrière du CG (train d’atterrissage tricycle) ou en avant (train d’atterrissage classique). Ainsi, l’avion peut rester au sol sans aucun risque de basculer vers l’arrière ou vers l’avant.

En vol, cela ne présente aucun changement dans le pilotage, par contre lors des phases de roulage (sur le taxiway, au décollage et à l’atterrissage), la position du train d’atterrissage prend toute son importance. Durant le roulage, le CG qui se situe derrière le train d’atterrissage principal pourrait laisser penser qu’il va stabiliser l’avion sur l’axe longitudinal (dans la direction ou avance l’avion). Il n’en est rien. Si on prend l’exemple d’un avion effectuant un virage vers la gauche pendant son roulage, le pilote actionne le palonnier de gauche, la queue de l’avion part à droite. Le CG entraine alors l’avion dans la rotation (inertie de la masse en mouvement). Si le pilote ne fait aucune action, l’avion va continuer sa rotation. Si cette action est effectuée à grande vitesse les conséquences peuvent s’avérer désastreuses, car l’avion va faire un tête à queue, ce que nous appelons en aviation un cheval de bois (ground loop en anglais). Ce phénomène est moins remarquable sur un avion à train tricycle, car le CG se trouve entre les trains principaux et le train avant. Le bras de levier qui sépare le train d’atterrissage (point de rotation dans le virage) et le CG étant aussi moins grand sur un avion à train tricycle qu’un avion à train classique, c’est la raison pour laquelle les avions tricycles sont plus stables pendant le roulage. Photo: Jean-Pierre Bonin

Ensuite il y a le souffle hélicoïdal. Vous connaissez ce phénomène. L’hélice alors en mouvement crée un vent qui tourne autour de la cellule de l’avion. Sur les avions que nous pilotons, ce souffle tourne dans le sens horaire, il vient alors frapper la dérive par la gauche ce qui a pour conséquence de faire dévier la trajectoire de l’avion vers la gauche. Nous devons alors appliquer du palonnier droit pour garder l’axe de la piste. Sur les avions à roue de queue, ce phénomène est plus remarquable, car le contrôle longitudinal se fait à travers la roue arrière moins sensible aux actions du pilote via ses palonniers (la roue de queue étant relié par des ressorts à la dérive qui elle-même est liée par câbles aux palonniers contrairement à la roue de nez qui est connecté par des axes rigides)

Troisième phénomène, le facteur P. Le fameux facteur P. Vous avez certainement entendu ou lu des récits de pilotes de warbird tel que le F4 Corsair ou P51 Mustang dire qu’ils devaient faire une mise en puissance progressive pour éviter de finir dans le champ. Ce phénomène est plus marqué sur les avions à train classique, car celui-ci est en position cabrée lors de la mise en puissance. Regardons une hélice tourner, étant donné qu’elle tour ne dans le sens horaire, la pale du côté droit est la pale descendante, la pale du côté gauche la pale montante. Comme l’avion est en position cabrée, la pale descendante produit plus de portance que la pale montante (angle formé par l’axe longitudinal de l’avion et l’axe horizontal de sa trajectoire). Il y a donc une traction asymétrique créée par la différence de portance entre la pale descendante et la pale montante. Cette différence entraine l’avion dans une trajectoire vers la gauche. C’est pour cette raison que les pilotes d’avion à trains classiques équipés de moteurs puissants mettent la puissance graduellement et en plus agissent sur le palonnier de droit pour garder l’axe de piste. Une fois l’avion sur son train principal (en ligne de vol, la queue en l’air), ce phénomène disparaît étant donné que les deux pales produisent la même portance. Mais voilà que l’action de mettre l’avion en ligne de vol fait apparaître un autre phénomène.

Allegro 2000La précession gyroscopique. Pendant notre cours de pilote, nous avons étudié les instruments de vol et donc bien sûr les gyroscopes. Nous avons remarqué qu’un gyroscope possède plusieurs propriétés. Nous avons tous fait l’expérience de faire tourner une roue de vélo montée sur un axe et ensuite baisser l’axe pour faire baisser la roue. Cette action amenait la roue à réagir à 90 degrés de l’action initiale, soit à gauche ou à droite selon le sens de rotation que nous avions donné à la roue.
Remplaçons maintenant notre roue par l’hélice et l’action sur l’axe de la roue (vers le bas) par l’action du pilote sur le manche pour faire lever la queue de l’avion (pousser le manche vers l’avant). Que se passe-t-il?

Étant donné que l’hélice tourne dans le sens horaire (vue du poste de pilotage), le fait de mettre du manche vers l’avant correspond à l’action de pousser sur le haut de l’hélice. Si nous reprenons l’exemple cité précédemment, la réaction réagit à 90 degrés de l’action donc l’avion a encore une fois tendance à partir vers la gauche. Par contre sur les avions à train tricycle, ce phénomène est moins marqué, car l’action du pilote n’est plus de pousser sur le manche, mais bien de tirer pour cabrer l’avion, ce qui se traduit par une réaction à  amener l’avion vers la droite. Ce phénomène n’est pas unique aux avions à train classique ni aux avions tout simplement, mais aussi aux hélicoptères et les autogires (les rotors).

Il reste un dernier phénomène, le couple gyroscopique. Pour le comprendre, prenons l’exemple d’une perceuse. Lorsque vous percez un trou et si la mèche se bloque dans le trou, la perceuse va se mettre à tourner dans le sens inverse. Il se produit la même chose avec votre avion. L’hélice tourne dans le sens horaire, mais le couple gyroscopique a tendance à vouloir faire tourner l’avion autour de l’axe de l’hélice dans le sens antihoraire. Cela se traduit par le fait que la roue de gauche appuie plus sur le sol que la roue de droite (principalement pendant la mise en puissance). Cet appui sur la roue gauche crée plus friction au sol et donc plus de traînées qui tende l’avion à prendre une direction vers la gauche pendant la course initiale au décollage. Cette force agit aussi sur les avions à train tricycle.

Si nous regardons, tous ces phénomènes lors du décollage (souffle hélicoïdal, facteur P, précession gyroscopique et couple gyroscopique), tous ont tendance à amener l’avion dans une trajectoire vers la gauche (concernant les avions que nous pilotons dans cette partie du globe). Garder l’axe de piste pendant le décollage, mais aussi durant l’atterrissage représente plus un certain effort. Oui même pendant l’atterrissage il faut faire attention à ces phénomènes. Bien que moins prononcés (le moteur étant souvent dans ce cas au ralenti) il faut savoir que l’avion pourrait aussi bien vous échapper pendant la phase d’atterrissage et de décélération

http://www.youtube.com/watch?v=gGOwcnGts4s&feature=related

De nos jours, nous apprenons à piloter sur des avions qui ne représentent pas tellement de difficultés. Mais si on se souvient de nos premières heures de vol, on se revoit batailler avec le palonnier pour garder l’avion au centre de la piste ou encore essayer de faire virer l’avion avec le volant pendant le roulage!

Le pilotage d’un avion à roue de queue n’est pas chose facile certes, mais pas facile ne veut pas dire pas impossible. La plus part des vieilles plumes (grand respect à nos anciens pilotes) ont appris sur des avions conventionnels et ils ont réussit. Il y a un apprentissage à faire. Le pilotage sur avion à train classique demande de l’attention, de la concentration et de la modestie. Au début nous n’osions pas sortir avec 10kts de vent de travers lorsque nous pilotions un Cessna 150, quelque temps après ce n’était plus un problème. Lorsque vous commencerez sur un tailwheel, il faudra se remettre de nouvelles limites et avec le temps et la pratique, les limites seront plus grandes. Ce nouveau style de pilotage vous apportera aussi une certaine forme d’agilité et de précision. Vous aurez l’occasion de redécouvrir le plaisir de voler. Atterrir en deux points, en trois points, sur une roue puis l’autre. Imaginez-vous en train de piloter un J3, un C195 ou bien un Pitts!!! Demandez conseils à vos instructeurs, dans tout le Québec il existe des pilotes compétents qui se feront un plaisir de vous apprendre l’art de piloter un tailwheel.